
Le deuil périnatal reste encore un tabou dans notre société. Il gêne, il bouscule, il fait peur. Il n’est pas « dans l’ordre des choses ». Ce deuil dérange parce qu’il génère trop d’émotions, trop de questions auxquelles personne n’est préparé.
Pourtant, chaque perte – qu’il s’agisse d’une fausse couche précoce, d’un arrêt de grossesse, d’une IVG ou du décès d’un bébé à la naissance – peut bouleverser une vie. Derrière les statistiques et les cadres légaux, il y a toujours une histoire, des émotions, une douleur bien réelle. Reconnaître chaque vécu, quel que soit le stade, c’est offrir aux parents endeuillés la légitimité et le soutien dont ils ont besoin.
Fausse couche avant 3 mois : le silence qui entoure la douleur
Avant 3 mois : la banalisation des arrêts précoces
Lorsqu’une grossesse s’interrompt avant le cap symbolique des trois mois, on entend souvent : « c’est courant », « ça arrive à beaucoup de femmes ». Avec environ 200 000 fausses couches précoces par an en France, la fréquence de ces arrêts est une réalité. Mais elle ne doit pas masquer la souffrance vécue.
Une banalisation peut laisser croire que la douleur n’a pas sa place. Pourtant, même précoce, une fausse couche peut laisser une empreinte profonde, avec son lot de chagrin, de culpabilité ou de solitude.
Après 3 mois et 1 jour : le droit soudain de pleurer
À partir du 3e mois révolu, il semble que la société donne soudainement l’autorisation de pleurer. La peine devenait enfin « légitime ». Or, ce changement brutal de regard en fonction d’un calendrier ne reflète pas la réalité vécue : l’attachement et les espoirs existaient déjà bien avant.
Qu’il survienne tôt ou plus tard, cette perte mérite reconnaissance et soutien.
La frontière des 22 semaines : une reconnaissance administrative incomplète
Avant 22 semaines : pas de prénom officiel, pas de livret de famille, pas de funérailles
Avant ce seuil fixé par la loi, l’arrêt de grossesse reste presque invisible aux yeux de l’administration. Les parents n’ont pas la possibilité de donner officiellement un prénom, d’inscrire l’enfant sur le livret de famille ou d’organiser des funérailles reconnues. Il n’y a pas non plus de congé maternité prévu : l’arrêt de travail dépend uniquement du bon gré du médecin traitant. Ce manque de reconnaissance légale ajoute une souffrance supplémentaire : comme si la perte n’avait pas existé pleinement.
Après 22 semaines : une place dans la loi et dans la société
Passé ce cap, les droits changent brusquement :
- les parents peuvent donner un prénom,
- obtenir un acte d’enfant sans vie,
- organiser des obsèques
- bénéficier d’un congé maternité.
Cette reconnaissance officielle apporte parfois un soulagement, mais cette frontière crée également un contraste brutal et douloureux.
Imagine une femme qui accouche à 21 semaines + 6 jours : son bébé n’a pas droit à un prénom ni à des obsèques officielles. Une autre, à 22 semaines tout juste, soit 1 jour après, seulement quelques heures, bénéficie de cette reconnaissance légale.
Si la loi nécessite bien un cadre pour fixer des repères, l’humain devrait rester au centre des préoccupations. Pourquoi ne pas laisser aux familles le choix d’inscrire ou non leur bébé dans le livret de famille, ou d’organiser des funérailles reconnues s’ils le souhaitent ? Il serait aussi juste d’instaurer un « congé de deuil » adapté avant 22 semaines. L’essentiel reste de respecter et d’accompagner avec autant de considération les deuils vécus avant 22 semaines. Car quel que soit le stade, un deuil périnatal reste un deuil et mérite écoute et respect.
L’IVG : un choix parfois nécessaire, mais qui peut laisser un deuil à traverser
Quand le choix est dicté par les circonstances (santé, contexte personnel, etc.)
En France, environ 7 Interruptions Volontaires de Grossesse (IVG) sur 10 surviennent alors que la femme utilisait une contraception. Ce chiffre rappelle que ce n’est pas toujours lié à un « manque de précaution », comme on l’entend parfois.
Derrière les idées reçues, d’un choix « facile » et « évitable », la décision est souvent prise pour des raisons très concrètes :
- santé de la mère : une maladie aggravée par la grossesse, des symptôme lourd de la grossesse comme l’hyperémèse gravidique, etc.,
- anomalie grave du bébé : maladies génétiques, malformations, graves,
- ou situation personnelle difficile (violences, isolement, précarité, poursuite des études).
C’est donc un choix de raison, imposé par les circonstances, mais qui reste pour beaucoup une décision lourde et douloureuse à vivre.
Le vécu émotionnel : culpabilité, tristesse, solitude
Si on imagine facilement le soulagement que peuvent ressentir la plupart des femmes qui passent par une IVG, on pense moins aux autres sentiments qui sont souvent là : la culpabilité, la tristesse, l’isolement, l’incompréhension… Ce type de perte est rarement reconnu comme un deuil. Pourtant, il s’agit bien d’un processus émotionnel à traverser.
Une IVG peut être vécue comme un deuil périnatal, même si elle est issue d’un choix. Les émotions qu’elle suscite méritent d’être accueillies avec la même considération et bienveillance que tout autre parcours de perte.
Reconnaître chaque histoire pour avancer
L’importance de valider chaque ressenti
Chaque femme, chaque couple vit son deuil de manière unique. Valider les émotions, sans chercher à les minimiser ou à les comparer, est une étape essentielle pour avancer.
Il est important également de ne pas supposer ce que le parent vit, mais de l’écouter pour utiliser ses propres mots : certains parleront de leur bébé, d’autres non. Reconnaître la peine, quelle que soit la durée de la grossesse ou la situation, permet déjà d’apporter un soutien précieux.
La place du témoignage et de l’écoute bienveillante
Parler, partager, raconter son histoire aide à ne pas rester seul avec sa douleur. Les témoignages permettent de briser le silence et d’ouvrir des espaces de compréhension. L’écoute bienveillante des proches ou d’un professionnel, comme une doula, offre un cadre sécurisant où tout peut être dit.
Des rituels et accompagnements possibles
Allumer une bougie, écrire une lettre, planter un arbre ou organiser une cérémonie symbolique : les rituels aident à donner une place au bébé dans l’histoire familiale. Un accompagnement spécialisé (doula, psychologue, groupes de parole, soins énergétiques comme le Reiki) peut aussi soutenir ce chemin. Ces gestes et soutiens contribuent à traverser le processus de deuil avec plus de douceur et de considération.
Un accompagnement pour tous les deuils
Je ne parle pas ici des Interruptions Médicales de Grossesse (IMG), des Morts Fœtales In Utero (MFIU), des décès dans les premiers jours de vie, car ces événements sont reconnus comme très difficiles par la société, et généralement bien (mieux) accompagnés. Mais je ne les oublie pas non plus.
Chaque deuil périnatal, qu’il survienne tôt, tard, volontaire ou non, mérite respect, reconnaissance et considération car la douleur reste réelle et profonde.
Rappeler ces réalités permet de briser le silence et de légitimer chaque histoire.
Comme doula, mon rôle est d’offrir un espace d’écoute et de soutien, pour accompagner chaque femme et chaque couple dans ce chemin singulier. Des recherches montrent que bénéficier d’un soutien émotionnel pendant un deuil périnatal aide à réduire le sentiment d’isolement, à atténuer les symptômes anxieux et dépressifs et à faciliter le processus de deuil. Un accompagnement peut ainsi aider à traverser ce passage avec plus de douceur, à retrouver un peu de sérénité et à avancer pas à pas vers une forme d’apaisement puis de joie retrouvée.
Si tu en ressens le besoin, je t’invite à réserver un premier échange gratuit. C’est un moment simple et sans engagement, pour poser tes mots, tes questions et voir si je peux t’accompagner dans ce chemin.