
Elle faisait défiler son fil d’actualité, sans vraiment regarder. Et puis, soudain, une image, une musique, une phrase. Son cœur s’emballe, sa respiration se bloque. Elle panique. Son esprit cherche une explication rationnelle, mais son corps, lui, sait. Il se souvient d’un instant qu’elle croyait oublié, d’un vide qu’elle pensait refermé.
Son corps savait. Il se souvenait de ce qu’elle essayait d’oublier.
De ce bébé qu’elle n’a pas pu porter jusqu’au bout. De cette salle blanche, du silence, du vide laissé après.
Même quand les mots se taisent, le corps, lui, parle. Il garde la trace, dans la gorge serrée, dans le souffle coupé, dans les muscles tendus. Comme s’il portait encore, à sa manière, la présence de cet enfant et les émotions qui n’ont jamais pu être dites.
Le deuil périnatal est une épreuve profondément incarnée. Il ne s’agit pas seulement d’un événement à surmonter, mais d’une expérience vécue dans chaque cellule, dans chaque respiration. Même longtemps après, certaines femmes ressentent encore cette trace invisible — un poids dans le bas-ventre, une boule dans la gorge, une fatigue sans cause apparente. Le corps devient le gardien silencieux d’émotions non exprimées.
Dans cet article, je t’invite à explorer ce lien intime entre le corps et les émotions, à comprendre pourquoi il garde en mémoire les traces du traumatisme, et surtout comment il est possible, avec douceur et conscience, de se réconcilier avec lui. Car apaiser son corps, c’est aussi apaiser son histoire.
Quand le corps devient le témoin silencieux du traumatisme
Le corps, gardien de la mémoire émotionnelle
Le corps garde tout en mémoire. Même quand on pense avoir « tourné la page », il se souvient à sa façon : une odeur, un son, une image peuvent réveiller des sensations enfouies. C’est ce qu’on appelle la mémoire corporelle. Quand les émotions ne trouvent pas le chemin des mots, elles se traduisent souvent par des tensions, des douleurs ou une fatigue persistante.
C’est ce qu’on nomme la somatisation : le corps parle quand le cœur n’a pas pu le faire. Ces réactions ne sont pas une faiblesse, ce n’est pas « juste dans notre tête », mais une façon pour notre organisme de signaler qu’il a besoin d’attention. Comprendre ces messages, c’est apprendre à écouter ce que le corps tente de nous dire depuis longtemps : « je n’ai pas encore été entendu ».
Les mécanismes de protection du cerveau
Le cerveau a sa façon bien à lui de nous protéger quand la douleur est trop forte. Il met en place ce qu’on appelle des mécanismes de survie : la dissociation, l’anesthésie émotionnelle, ou parfois une forme d’oubli sélectif. C’est un peu comme s’il appuyait sur « pause » pour nous permettre de tenir debout.
La dissociation, c’est ce moment où l’on se sent coupée de soi-même, comme si on regardait sa vie de l’extérieur. L’anesthésie émotionnelle, elle, donne cette impression d’être vide, de ne plus rien ressentir. Ces réactions ne signifient pas qu’on ne souffre pas — elles montrent simplement que le cerveau tente de nous protéger d’un trop-plein. Mais ce qui n’a pas pu être vécu à ce moment-là reste souvent stocké dans le corps, prêt à refaire surface quand il se sentira enfin en sécurité.
Quand le corps parle à notre place
Certaines femmes racontent ce moment où elles se sentent « étrangement mal » sans pouvoir mettre de mots dessus. Une douleur dans le bas-ventre, une oppression dans la poitrine, des larmes qui montent sans raison. Le corps exprime ce que le mental a dû taire : la perte, la peur, la culpabilité, la tristesse.
Ces signaux peuvent prendre bien des formes : tensions chroniques dans la nuque ou les épaules, fatigue persistante malgré le repos, troubles digestifs inexpliqués, douleurs pelviennes récurrentes, ou encore blocages respiratoires qui empêchent de respirer pleinement. Ces manifestations sont la façon dont le corps raconte l’histoire restée silencieuse. En apprenant à écouter ces messages plutôt qu’à les étouffer, on peut peu à peu renouer avec soi-même et commencer le processus de libération émotionnelle.
Pourquoi certaines émotions restent bloquées
Quand la société empêche d’exprimer la douleur
Dans notre société, qu’il s’agisse d’un deuil périnatal ou pas, les émotions n’ont souvent pas leur place. Dès l’enfance, on nous apprend à « être fort », à ne pas pleurer, à garder le contrôle. On valorise la maîtrise et on craint la « vulnérabilité » perçue. Résultat : nous avons perdu la capacité d’écouter nos émotions, de les reconnaître et de leur offrir un espace pour s’exprimer.
Dans ce contexte, le deuil périnatal devient encore plus difficile à traverser. Il se heurte non seulement à la douleur de la perte, mais aussi à une société qui ne sait pas accueillir cette souffrance. Autour de la femme, on lui dit qu’il faut aller de l’avant, qu’elle aura d’autres enfants, qu’il ne faut pas s’attarder sur ce qui s’est passé. Ces phrases, dites parfois avec bienveillance, ferment la porte à l’expression des émotions. La tristesse, la colère ou la peur n’ont pas de place pour sortir, alors elles s’enfouissent, se transforment en lourdeur dans le corps.
Quand l’espace d’expression manque, le corps devient le seul lieu où la douleur continue à exister.
Quand le mental prend le dessus
Beaucoup de femmes traversant un deuil périnatal essaient de comprendre, d’analyser, de « gérer » leur douleur. Elles se disent qu’il faut être fortes, qu’elles doivent reprendre le travail, s’occuper des autres, continuer comme avant. Mais comprendre avec la tête ne suffit pas : le corps, lui, n’a pas encore intégré ce qui s’est passé.
Les émotions bloquées se manifestent alors par des signaux physiques ou émotionnels : pleurs soudains, irritabilité, épuisement, perte d’envie, d’élan, de plaisirs.. Tant que l’on reste uniquement dans le mental, le corps continue de crier sa détresse à sa manière. Le chemin de guérison commence souvent lorsque l’on autorise enfin ces émotions à être ressenties, sans jugement ni contrôle.
Comment la mémoire cellulaire influence la santé physique et émotionnelle
Qu’est-ce que la mémoire cellulaire ?
La mémoire cellulaire, c’est cette idée que le corps ne se contente pas de ressentir, il garde en lui une empreinte subtile de tout ce que nous traversons. Contrairement à la mémoire du cerveau, qui stocke des souvenirs conscients, cette mémoire agit plus profondément : elle influence la façon dont nos cellules réagissent, se régénèrent et communiquent entre elles.
Quand un événement douloureux survient, les hormones du stress, la tension musculaire et le rythme cardiaque laissent une trace concrète dans notre organisme. Ces marques ne sont pas figées, mais elles peuvent se réveiller dans certaines circonstances : une grossesse ultérieure, une visite médicale, une date symbolique.
L’impact sur le corps et les émotions
Cette mémoire influence nos grands systèmes internes : le système nerveux peut rester en vigilance constante, le système hormonal peut se dérégler, et le système immunitaire s’affaiblir. C’est ce qui explique certaines manifestations physiques ou émotionnelles persistantes, même quand « tout va bien » en apparence.
Chez les femmes ayant vécu un deuil périnatal, ces traces corporelles peuvent se réveiller à des moments très précis : une nouvelle grossesse, un examen médical, la date anniversaire de la perte, ou encore un accouchement ultérieur. Le corps se souvient et réagit, parfois avant même que l’esprit en ait conscience. Ces réactivations ne sont pas des signes de faiblesse, mais des rappels doux — ou puissants — de ce qui mérite encore d’être entendu et apaisé.
Te réapprivoiser ton corps après un deuil périnatal
Le corps comme allié
Après un deuil périnatal, ton corps peut te sembler étranger, douloureux, voire coupable. Pourtant, c’est lui qui a porté, aimé, ressenti. Le voir à nouveau comme un allié, c’est souvent compliqué, et pourtant si important.
Peu à peu, tu peux reconstruire le lien et la confiance par de petits gestes simples : poser la main sur ton ventre et y déposer une pensée de tendresse, appliquer une crème hydratante en conscience, te faire masser ou t’auto‑masser avec douceur. Tu peux aussi te regarder dans le miroir et t’adresser quelques mots bienveillants, ou simplement respirer en le remerciant pour tout ce qu’il a traversé.
Si ça te parle, tu peux également bouger en conscience, au rythme d’une musique, sans te soucier de ton apparence. Retrouver le plaisir de sentir ton corps vivant. Ces gestes concrets, répétés avec bienveillance, t’aideront à réinstaller la confiance, la douceur et la sécurité.
Des pistes pour apaiser le corps et les émotions
Apaiser ton corps te permettra de retrouver de la fluidité. Pour cela, voici quelques pratiques simples : la respiration consciente (comme la respiration abdominale, ou la cohérence cardiaque) pour calmer le système nerveux, le mouvement doux (comme la marche, le yoga ou la danse intuitive) pour relancer la circulation des émotions, ou encore la méditation, (comme le « Om chanting », une méditation chantée) pour se reconnecter à l’instant présent.
L’écriture peut aussi être un espace de libération : écrire une lettre à ton bébé, noter ce que tu ressens dans ton corps, poser les mots qui t’apaisent. Les soins énergétiques et les rituels symboliques permettent quant à eux de réharmoniser ce lien entre ton corps et ton cœur, en douceur.
Se faire accompagner pour retrouver l’équilibre
Cheminer seule est parfois difficile, surtout lorsque les émotions enfouies remontent à la surface. Être accompagnée par un professionnel spécialisé en périnatalité aide à se sentir en sécurité dans ce processus. Cet accompagnement permet de comprendre ce que le corps exprime, de trouver les outils adaptés à son rythme, et d’être soutenue sans jugement.
Réapprivoiser ton corps, c’est finalement te redonner le droit de vivre dans la confiance et la bienveillance, de sentir à nouveau que tu peux habiter pleinement ce corps — sans peur, sans culpabilité, avec amour.
En conclusion — Honorer son corps, c’est honorer son histoire
Traverser un deuil périnatal, c’est traverser une tempête qui bouleverse autant le cœur que le corps. Tout au long de cet article, nous avons vu combien le corps garde en mémoire les émotions vécues, comment il tente parfois de nous protéger, et de quelle manière il peut redevenir un allié pour avancer avec plus de douceur.
Souviens‑toi : il n’y a pas de délai pour te reconnecter à toi‑même. Le corps ne t’en veut pas d’avoir mis du temps, il attend simplement d’être écouté. Chaque petit geste, chaque respiration consciente, chaque mot posé sur ton histoire est une étape vers plus d’apaisement.
Si tu sens que tu n’y arrives plus seule, que ton corps te parle encore et que tes émotions débordent, je peux t’accompagner concrètement pour retrouver un quotidien plus apaisé, des émotions qui se stabilisent et des relations plus fluides. Découvre mon accompagnement du deuil périnatal et mon accompagnement de la grossesse d’après.