Une fausse couche au premier trimestre : un « brouillon » ?

une fausse couche n'est pas un brouillon

Faire de la place à tous les vécus lors d’un arrêt de grossesse

Récemment, un radiologue m’a confié que, pour certains professionnels, une fausse couche au premier trimestre ne serait qu’un simple « brouillon ». Ce mot m’a choquée, mais c’est surtout le fait qu’il soit prononcé devant les patientes qui me dérange. Car derrière ce terme apparemment anodin se cache une négation violente du vécu et des émotions de nombreuses femmes.

Oui, tu peux très bien vivre une fausse couche. Et tant mieux. Cela ne fait pas de toi une (future) mauvaise mère, ni une femme insensible.
Mais tu peux aussi en être profondément bouleversée. Et c’est légitime.
Je souhaite redonner toute sa place à ce deuil encore trop souvent minimisé.

Le poids des mots : « brouillon », « banalité », « psychiatrisation »

Quand un professionnel de santé évoque une fausse couche en la qualifiant de « brouillon », ou affirme que ce n’est « pas grave », cela résonne bien au-delà de la simple maladresse. Ce sont des mots qui invisibilisent, qui banalisent un vécu parfois profondément douloureux.

Comparer une fausse couche à une statistique ou juger de la pertinence de la tristesse d’une femme selon le nombre de semaines de grossesse est non seulement inexact, mais profondément inhumain.
Dire à une femme qu’elle doit « passer à autre chose », ou qu’elle a besoin d’un psychiatre parce qu’elle pleure un embryon de 6 semaines, c’est nier la richesse et la complexité de ses émotions. Une grossesse, même très tôt, est déjà une histoire

Ce que vivent les femmes lors d’une fausse couche : une réalité plurielle et intime

Le lien se crée souvent bien avant l’échographie

Pour beaucoup de femmes, le désir d’enfant est un projet de longue haleine. Il se construit dans l’intimité du cœur bien avant que le test de grossesse ne soit positif. Quand une grossesse commence, même si elle est toute récente, elle est souvent déjà porteuse d’espoirs, de projections, de prénom imaginés, de futures fêtes et de moments joyeux anticipés.

Dire que cette grossesse n’était qu’un « brouillon », c’est nier le vécu affectif intense qui peut l’accompagner. C’est également ignorer la réalité biologique : le corps a commencé à changer, à produire des hormones, à préparer la suite.

Le vécu d’une fausse couche est aussi varié que les femmes elles-mêmes

Certaines ressentent du soulagement, ou simplement l’envie d’avancer sans s’arrêter.
D’autres ressentent une douleur physique et émotionnelle intense, d’autres encore un vide profond, une sensation d’échec, une perte de confiance.

Toutes ces réactions sont légitimes. Il n’y a pas de bonne manière de réagir. Ce qui blesse, ce n’est pas seulement la perte, c’est aussi l’indifférence, le silence, les mots mal choisis, l’absence d’écoute.

Les émotions vécues après une fausse couche sont multiples elles aussi

Tristesse, culpabilité, solitude…

Le deuil périnatal, même précoce, peut s’accompagner de nombreuses émotions :

  • La tristesse profonde de perdre ce bébé tant attendu
  • La culpabilité, souvent irrationnelle, de ne pas avoir su « le garder »
  • Le sentiment d’échec, comme si le corps avait failli
  • Un sentiment d’injustice : « pourquoi moi ? »
  • Une solitude immense, car l’entourage minimise souvent ou ne sait pas comment réagir »
  • Une envie d’en reparler, de commémorer, de donner un sens à ce passage.

Ces émotions ne dépendent pas du terme de la grossesse, mais de l’intensité du lien tissé avec l’enfant à venir.

La mémoire du corps et du cœur

Le corps se souvient. Il garde en mémoire ce qu’il a commencé à vivre. Le cœur aussi. Certaines femmes se souviennent toute leur vie de la date de leur fausse couche, de l’endroit où elles étaient, des mots qui leur ont été dits — ou pas. Ce sont des événements fondateurs, parfois traumatiques, qu’il faut pouvoir nommer, comprendre, intégrer.

Et si on écoutait vraiment les femmes ?

Si, au lieu d’interpréter leur vécu, on leur demandait simplement ce qu’elles ressentent ? Et si on leur laissait l’espace pour exprimer leur histoire, sans jugement ni hiérarchie ?

Il est temps que les soignants, les proches, et la société en général cessent de décider à la place des femmes ce qu’elles devraient ressentir.

Voici ce que signifie véritablement prendre soin :

  • Lui rappeler qu’elle a le droit de donner un nom à ce qu’elle a perdu, même si ce n’est pas un bébé « viable » selon les critères médicaux.
  • Accueillir les larmes ou le silence sans chercher à les expliquer.
  • Ne pas presser une femme à « passer à autre chose ».

Un deuil qui a besoin d’exister

Reconnaître une fausse couche comme une perte légitime, c’est offrir à la femme un espace pour traverser ce qu’elle vit, de façon plus douce et apaisée. C’est aussi lui permettre de se reconstruire plus rapidement, de réintégrer cette expérience dans son histoire sans honte ni culpabilité. Ne pas nier l’existence du bébé perdu, même sans photo ou sans prénom, est un acte de respect fondamental.

Célébrer, ritualiser, partager

Chaque femme trouvera sa manière d’honorer ce qu’elle a vécu :

  • En parlant de cette fausse couche à une amie, à un professionnel, ou dans un groupe de parole
  • En créant un rituel intime : bougie, lettre, bijou, dessin…
  • En incluant ce bébé dans sa fratrie, dans ses pensées, sans forcer

Ces gestes ne sont pas tournés vers le passé mais vers la guérison.

Conclusion : les mots comptent, les ressentis aussi

Ce que l’on dit à une femme qui vient de vivre une fausse couche peut la marquer durablement. Les mots employés — même avec de bonnes intentions — peuvent apaiser ou blesser. Alors, avant de parler de « brouillon » ou de « petite perte », prenons le temps d’écouter. Ne présumons jamais de ce qu’elle devrait ressentir. Chaque vécu est unique, chaque émotion mérite d’être accueillie.

Et n’oublions pas non plus le partenaire, souvent silencieux, parfois démuni. Lui aussi peut ressentir tristesse, impuissance, colère ou soulagement. Lui aussi a droit à son espace, à sa reconnaissance.

Changer notre regard sur la fausse couche commence par là : respecter ce qui se vit, dans toute sa diversité, sans le comparer, sans le juger.👉 Si tu ressens le besoin de poser des mots sur ton histoire ou d’être accompagnée, je suis là pour toi.

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